C A B I N E T B R A H I N
DANSK-FRANSK ADVOKATFIRMA I FRANKRIG / DANISH-FRENCH LAW FIRM IN FRANCE
La vente accordée sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt
1. La conclusion d’une vente immobilière est généralement subordonnée à l’obtention d’un prêt par l’acquéreur érigé en condition suspensive. Par plusieurs décisions rendues le même jour (et dont certaines seront publiées au Bulletin civil de la Cour de Cassation), la troisième chambre civile de Cour de Cassation vient d’apporter d’importantes précisions sur la réalisation de cette condition, notamment en ce qui concerne son articulation avec la réglementation sur le crédit immobilier.
Si la condition suspensive vise le plus souvent l’obtention d’un prêt, d’autres formules sont parfois retenues (par exemple, « obtention d’une offre de prêt » ; octroi d’un prêt ») ; ces différences sont sans incidences sur les précisions apportées par la Cour suprême.
Réalisation de la condition par obtention du prêt
2. La Cour de Cassation a précisé que la condition suspensive d’obtention d’un prêt est réputée accomplie dès la délivrance d’une offre ferme et sans réserve caractérisant l’obtention d’un prêt conforme aux stipulations contractuelles (Cass. 3ème civ. 7 novembre 2007 n° 06-17.413 (n°1012 FS-PB), Kleinjan c/ Valat ; Cass. 3ème civ. 7 novembre 2007 n° 06-19.148 (n° 1013 FS-D), Sté Jasmin c/ Sté Plas).
Par suite, elle a jugé que ne constitue pas une offre de prêt permettant la réalisation de la condition :
– une attestation par laquelle une banque donne un accord de principe à l’acquéreur pour un prêt d’un montant déterminé (arrêt n° 06-17.413) ;
– la notification d’accord de prêt dont la mise en place est subordonnée à la réalisation des formalités contractuelles et à la prise de garanties stipulées dans l’offre de prêt à venir (arrêt n° 06-19.148).
En revanche, la condition est réalisée lorsque l’acquéreur produit un tirage d’un courrier électronique d’une banque à son intention, comprenant proposition d’un prêt de 105.000 Euros, aux conditions prévues à la promesse et une lettre ultérieure de ce même établissement notifiant l’accord de la banque sur ce prêt (Cass. 3ème civ. 7
novembre 2007 n° 06-11.750 (n° 1014 FS-PB), Guérin c/ George).
3. En principe, le fait que l’offre de prêt ne soit pas conforme à la réglementation sur le crédit immobilier (C. consom. art. L312-1 s.) ne permet pas au vendeur d’échapper à la réalisation de la condition et à la formation de la vente. En effet, les exigences formelles posées par le Code de la consommation en matière d’offre de prêt immobilier ne sont édictées que dans un souci de protection de l’emprunteur qui seul peut les invoquer (Cass. 3ème civ. 7 novembre 2007 n°06-11.750 (n°1014 FS-PB), Guérin c/ George).
4. Toutefois, si les parties à la promesse de vente ont pris soin de préciser les circonstances de la réalisation de la condition en se référant expressément au Code de la consommation, l’acquéreur est tenu d’obtenir une offre de prêt remise par écrit par l’établissement prêteur (Cass. 3ème civ. 7 novembre 2007 n° 06-17.589 (n° 1015 FS-D), Modica c/ Borge). Jugé en conséquence qu’un courrier manuscrit de la banque attestant que le prêt demandé était accordé mais que les offres étaient en cours d’édition ne pouvait pas être assimilé à l’offre de prêt contractuellement définie (arrêt précité).
Information du vendeur sur la réalisation de la condition
5. La Cour de Cassation avait précédemment affirmé que, sauf stipulation contraire, le fait pour le bénéficiaire d’une promesse de vente sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt de ne pas informer le promettant du refus de la demande de prêt avant l’expiration du délai de validité de la promesse ne suffit pas à caractériser une faute dans l’exécution des ses obligations contractuelles imposées à l’acquéreur de nature à accroitre les exigences du texte (Cass. 3ème civ. 7 novembre 2007 n° 06-17.867 (1016 FS-PB), Rinaldi c/ Turbet-Delof).
La violation de la clause faisant obligation à l’acquéreur d’informer le vendeur de l’obtention du crédit ne peut donc être sanctionnée que sur le terrain de la responsabilité civile contractuelle par l’allocation de dommages-intérêts mais il appartient alors au vendeur d’établir que ce défaut d’information lui a causé un préjudice. La preuve d’un préjudice n’est en revanche pas nécessaire lorsque l’obligation d’information est sanctionnée par une clause pénale (Cass. 3ème civ. 20-12-2006 n° 05-20.065 : RJDA 5/07 n° 448).
Réalisation de la condition en cas de faute de l’acquéreur
6. La condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement (C.civ.art.1178). Tel est le cas lorsque l’acquéreur a fait une demande de prêt non conforme aux caractéristiques fixées par la promesse ou l’acte de vente (Cass. 3ème civ. 13-10-1999 n° 98-12.025 : RJDA 12/99 n° 1306 ; Cass. 3ème civ. 30-3-2004 n° 02-11.688 : RJDA 8-9/04 n° 941).
Dans un cas où une promesse de vente immobilière avait été conclue sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt dans un délai d’un mois à compter de la signature de la promesse, la Cour d’Appel de Rennes avait estimé que l’acquéreur avait commis une faute ayant entraîné le refus d’octroi du prêt dès lors que, n’ayant contacté la banque que treize jours avant l’expiration du délai précité, il n’avait pas effectué les diligences nécessaires pour solliciter un prêt dans les délais compatibles avec la date d’échéance de la condition. La Cour de Cassation a censuré cette décision au motif que les juges n’avaient pas constaté que le retard mis par l’acquéreur dans la constitution de sa demande de prêt était à l’origine du refus de la banque (Cass. 3ème civ. 7 novembre 2007 n° 06-14.227 (n° 1017 FS-D), Rougier c/ Musseau). La Cour de Cassation avait déjà jugé que l’article 1178 du Code Civil ne s’applique pas si la non-réalisation de la condition suspensive tenant à l’obtention d’un prêt n’était pas due au retard dans la présentation de la demande mais au refus motivé de crédit opposé par les banques sollicitées (Cass. 3ème civ. 17-3-2004 n° 02-17.984 : RJDA 10/04 n° 1106).
Défaillance de la condition
7. Lorsqu’une condition est stipulée dans l’intérêt exclusif de l’une des parties, seule cette dernière peut se prévaloir des conséquences juridiques de la défaillance de la condition stipulée en sa faveur (Cass. 3ème civ. 16-12—2003 n° 02-16.327 : RJDA 6/04 n° 662 ; Cass. 3ème civ. 20-6-2006 n° 05-12.319 : RJDA 1/07 n° 25) ou y renoncer (Cass. 3ème civ. 31-3-2005 n° 04-11.752 : RJDA 8-9/05 n° 946). A défaut de précision dans l’acte quant au bénéficiaire de la condition, les juges apprécient souverainement la commune intention des parties (Cass. 3ème civ. 14-11-1976 : Bull. civ.III n° 382 ; Cass. 3ème civ. 16-12-2003 n° 02-16.327 : RJDA 6/04 n° 662).
8.
La Cour de Cassation vient de confirmer une décision de la Cour d’Appel de Caen qui, pour juger qu’il n’était pas possible de déterminer le bénéficiaire exclusif d’une condition suspensive, avait retenu les éléments suivants : la condition litigieuse figurait sous une rubrique « protection de l’emprunteur immobilier « dont le contenu abordait aussi ses relations avec le vendeur et qui faisait suite à deux autres rubriques portant respectivement les libellés « dans l’intérêt de l’acquéreur » et « dans l’intérêt du vendeur » ; les obligations mises à la charge de l’acquéreur au fur et à mesure des étapes de l’obtention du crédit ne permettaient pas de retenir que ces dispositions avaient été stipulées dans son intérêt exclusif ; l’indication selon laquelle, passé un certain délai sans notification de l’offre de prêt, la condition sera réputée non réalisée à l’égard du vendeur et celui-ci délié de tout engagement, chacune des parties reprenant alors sa pleine et entière liberté, bénéficiait nécessairement aux deux parties (Cass. 3ème civ. 7 novembre 2007 n° 06-17.729 ( n° 1018 FS-D), Brinitzer c/ Pellerin). Par suite, le vendeur avait valablement pu invoquer la défaillance de ladite condition.
La reproduction est autorisée avec mention de la source.
Le, 22 janvier 2008.
Me Nicolas BRAHIN
Avocat au Barreau de NICE
Nicolas.brahin@brahin-avocats.com
Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées en Droit Bancaire et Financier
Université Panthéon-Sorbonne (DESS 1997)
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